Du sang sur le sable de la Torche

 du sang sur le sable de la torche

per jackez helias

Mais toutes les blessures ne sont pas encore, de nos jours, totalement cicatrisées.

La guerre éclair (blitzkrieg) menée par les allemands, à partir de mai 1940, avait mis en déroute l’armée française qui se croyait en position de force derrière une ligne Maginot imaginée par des tacticiens en retard quand aux nouvelles technologies d’armement et aux stratégies qui en découlaient. Cette ligne de défense, pouvait plutôt être nommée : » ligne Imaginaire ». C’était utopique de croire que les armées allemandes allaient toutes se jeter de front contre ces défenses statiques, sachant qu’elles n’étaient totalement hermétiques surtout dans sa partie nord, à partir de Sedan jusqu’à Dunkerque. il y avait aussi un immense trou le long de la frontière Suisse.

ligne maginot

Le 22 juin 1940, la France du gouvernement de Philippe Pétain se voyait contrainte de signer un humiliant armistice.  La métropole était divisée en deux parties, l’une occupée, l’autre dite libre, séparée par une ligne de démarcation.

france occupée

La « Wehrmart » envahie la Bretagne

Le 17 juin 1940, la Wehrmacht pénétrait en Bretagne. Le 18 juin elle était à Rennes, puis le 19 juin, elle arriva à Brest. A la veille de l’armistice, toute la Bretagne est occupée.

la bretagne occupée

L’administration militaire allemande se mit en place. Les « Field kommandantur » remplacèrent les préfectures, les « Kreis kommandantur », les sous-préfectures. La « Kriegsmarine » prenait possession des ports de Saint-Nazaire, Lorient et Brest. Ces ports étaient considérés comme bases de départ stratégiques pour la bataille de l’Atlantique, en particulier pour les  sous-marins (U-boote) de l’Amiral allemand Karl Dönitz.

Pour lire sur le site ce récit, cliquez sur le lien ci dessous:

Le château des sardines, les loups gris

le chateau des sardines

Le contexte sous l’occupation
Depuis la capitulation et le honteux armistice signé par le général Pétain suivie de l’arrivée des troupes allemandes dans le Finistère, beaucoup de patriotes étaient parti en Angleterre rejoindre les Forces françaises Libres (F.F.L.), en particuliers les marins, pêcheurs et anciens militaires.

Le pays bigouden sous l’occupation allemande

La résistance dans le pays bigouden, face à l’envahisseur, avait mis beaucoup de temps à s’organiser et se structurer contre l’occupation allemande.

pays bigouden resistance delivrance

La multitude des réseaux de résistants, les principaux réseaux bretons 

D’autres patriotes avaient rejoint des réseaux disparates tel que ceux appartenant aux Forces Françaises Combattantes (F.F.C.) qui étaient en relation avec le B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignement Actions) de Londres.
Les réseaux, nombreux et désorganisés au début de l’occupation, se structuraient petit à petit et se hiérarchisaient en groupes de combat.
Un des premiers réseaux agissant dans l’Ouest de la France fut créé en 1940 par le 2 ième Bureau Central de Renseignement Allié de la France Libre (B.C.R.A.), parmi les plus actifs était le C.N.D. (Confrérie Notre Dame) dirigé par Gilbert Renault.

gilbert renault

Image1colonel remy renaultAu début 1943, L’Organisation de Résistance Armée (O.R.A.) était créée par le général Aubert Frère. Elle s’implanta partout en zone occupée, dans le sud-Finistère et dans le Morbihan. En juin 1944, veille du débarquement, elle comptait près de 8 000 hommes. L’ O.R.A. se caractérisait par une forte proportion d’anciens officiers et sous-officiers qui entrèrent véritablement en action dans les jours qui suivirent le débarquement, un choix exactement contraire à celui des franc-tireurs.

ORA 2

Après la guerre Luc Robet devint maire de Poullan sur mer jusqu’en 1977.

En juin 1944, veille du débarquement, l’ O.R.A. comptait près de 8000 hommes.

MUR de la vigerie

Pour écouter « la complainte du partisan » suivez sur le lien ci dessous:

https://www.youtube.com/watch?v=wZIDTHYmxcg

anna marly

Les réseaux des Francs-Tireurs Partisans (F.T.P.), étaient parfois appelés Francs-Tireurs Partisans Français (F.T.P.F.), furent créés à la fin de 1941 par la direction du Parti Communiste français.
Début 1942, les groupes des Francs-Tireurs Partisans étaient constitués.

Eugène Henaff, né à Spézet dans le Finistère, qui avait pour pseudonyme « Denis », occupait un poste essentiel à la direction de l’ O.S. ( Organisation Spéciale ). Il faisait partie du Comité Militaire National (C.M.N.) qui deviendra au printemps 1942 , les F.T.P.F.

Charles Tillon

FTP

Malgré la répression, les effectifs des F.T.P.F. augmentèrent sensiblement à partir de 1943. En 1944, le réseau s’étendit en maquis dans la campagne et les villages bretons. Les membres de ces groupes conservèrent leur activité professionnelle afin d’être difficilement localisables. Ils ne se réunissaient que pour préparer des actions contre l’envahisseur.

fabien rol tanguy

A.S.

Le Lieutenant-Colonel Bourrières, était le commandant départemental des F.F.I.

FFI

« Berthaud » avait son P.C. au lycée de la Tour d’Auvergne à Quimper.

Le 20 juin 1940, Quimper est occupé par l’armée de terre allemande (la « Heer »)

Après avoir écrasé les dernières poches de résistance à Lorient, désarmé les maigres troupes basées à Quimper et restées « consignées » dans la caserne de la Tour d’Auvergne ancien quartier du 118 ième régiment d’infanterie, les allemands installent la « Felfkommandantur » (commanderie) 752 dans ces même locaux.

caserne la tour d'auvergne

Le collège/lycée « Likes » sert de caserne pour les  troupes et l’école Saint Charles de Kerfuenten est transformé en prison.

quimper sous l'occupation allemande

Ce fut la 265 ième Division d’ Infanterie, crée en 1943, commandée par le Generalleutnant Walter Düvert, qui  fut déployée dans le Sud Finistère. Il avait son Poste de Commandement à Quimperlé, considéré comme point central de la zone sous sa responsabilité.
La 265 ième D.I. appartenait au 25 ième Corps d’Armée de la Wehrmacht
Le Chef  d’État-major de Düvert était le Colonel (Oberst) Pinski.

La Division était forte de 10 000 hommes jusqu’en 1943 puis 9700 en 1944.

La Division avait la charge de garder les 270 kilomètres de côtes allant du sud de la presqu’île de Crozon de Telgruc à Etel.

La 265 ième Division d’Infanterie était composée de trois régiments :
– Le 894 Régiment de grenadiers « grenadiere regiment »,
– Le 895 Régiment de grenadiers,
– Le 896 Régiment de grenadiers,

– Le 265 ième régiment d’artillerie composé de trois groupes.

Sept Bataillons :
– Le Turkische Bataillon 800  bataillon composé en majorité de mercenaires turcs,
– L’Ost Bataillon 634 (bataillon dit « oriental » composés de mercenaires des pays de l’Est),
– La Division 265 du service transmissions (Nachrichten Abteilung ),
– La Division 265 de ravitaillement (Nachschubtruppen).

La 265 ième Division avait un effectif total de 9700 hommes au 1er juin 1944.

C’est le 894 ième Régiment de Grenadiers, qui dépendait de la 265 ième division qui fut déployée à Quimper Kerfuenten et qui prit ses quartiers dans les bâtiments du  lycée de la Tour d’Auvergne qui servait de commanderie « Feldkommandantur ».

Ce régiment était chargé de la Défense côtière. La 1ière compagnie de ce régiment sera envoyée dès novembre 1943 sur le front Russe.

ALLEMNDS A QUIMPER

feldkommandantur 752Le 1er bataillon du Régiment 894 fut envoyé à Minsk en septembre 1943. Il fut  remplacé par le Ost Bataillon 800 composés de Nord-Caucasiens qui arriva le 11 octobre 1943 en gare de Quimper.  Il séjourna quelques jours à Lanniron au camp de transit, qui devint plus tard le Front-stalag 135 (camp de concentration).

La Résistance Française

zones de la résistance françaiseA la fin de l’année 1943, la Résistance est maintenant organisée en réseaux structurés.

Décembre 1943, les F.F.I. du « Colonel Berthaud » transportèrent dans le château d’eau de Pont-l’Abbé, des armes et des munitions, parachutées près de la forêt du Cranou sur la commune du Faou.

La Résistance était maintenant organisée en réseaux structurés.

Le groupe « Libération-Nord », était constitué autour de quelques instituteurs de Pont-l’Abbé.

Le réseau « Vengeance », était commandé par les frères Dupouy, jusqu’à leur déportation en Allemagne d’où ils ne reviendront pas.

Les F.T.P.F. de Daniel Trellu dit « colonel Chevalier » rejoindrons le bataillon « Stalingrad » dans le maquis de « Saint Goazec-Spézet ».

Durant cette période, fin 1943, début de 1944, la résistance dans le pays bigouden, était structurée autour d’un bataillon F.F.I. et de divers groupes F.T.P.

Le « Bataillon Bigouden », en plus des résistants recrutés localement était composé de mercenaires:

– Russes, une vingtaine,

– Polonais, trois aviateurs,

– Espagnols, une dizaine.

-Il y avait également , parmi ses rangs trois déserteurs allemands.

En 1944, les maquis du Sud Finistère comptaient moins de 1000 hommes. Uniquement une centaine d’entre eux possédait des armes. La plupart de ces armes avait été récupérée aux armées allemandes, soviétiques, françaises. Les armes anglaises et américaines provenaient de transferts clandestins par la mer. L’archipel des Glénan était connu comme le lieu propice à ces transferts entre la marine anglaise et les pêcheurs du pays bigouden. Les sorties de pêche autorisées par l’envahisseur servaient parfois de prétexte à la récupération des armes.

Les Résistants de « l’ombre » du sud du pays Bigouden

Dans la commune de Plobannalec-Lesconil, il y avait plusieurs organisations de résistants, dont la plus en vue, de nos jours on dirait la plus « médiatique » était celle des Francs-Tireurs Partisans (F.T.P.) composée principalement de jeunes marins dont la majorité étaient « sympathisants communistes ».

Dans l’ombre de ce réseau jeune et remuant, toujours prêt à en découdre avec l’occupant, il y avait une autre organisation, plus secrète, structurée, en liaison avec le Bureau Central de Renseignement Allié (B.C.R.A.) de la France Française Libre (F.F.L.) à Londres.
Les agents « F.F.C. » de ce réseau de l’ombre avaient à sa tête un homme discret, ancien capitaine de la Marine Marchande, qui fut directeur de l’ École d’Apprentissage Maritime de Lesconil (École de Pêche), Pierre Dréau.

pierre DREAUCette « école de pêche », la première de la région, fut créée en novembre 1908 sous l’égide de Monsieur Arzel, directeur de l’école publique de la palud sur la route du sémaphore. Le premier cours eu lieu en octobre 1909. En plus de la formation de base maritime, il donnait accès au brevet de « patron de pêche ». Devant le succès des cours dispensés, d’autres écoles s’ouvriront plus tard à Léchiagat et Kérity.

Pierre Dréau, faisait partie des Forces Françaises Combattantes (F.F.C.), membre du réseau « Confrérie Notre Dame Castille » du colonel Rémy et du réseau « Johnny ».
Ce réseau avait été créé conjointement à Londres par le Bureau Central de Renseignements et Actions (B.C.R.A.) de la France libre et du « Military Intelligence » (M.I.6) britannique. Sa mission essentielle est de surveiller les croiseurs allemands basés à Brest.

PIERRE DREAU P2

Jean Le Roux, jeune radio breton formé par l’armée de l’air, adjoint de Robert Alaterre dit « Johnny », ancien archiviste des Affaires Étrangères, assuraient la plus grande les transmissions du réseau vers l’Angleterre.
Repéré à Quimper par la goniométrie allemande, le réseau émet alors ses messages à partir de Carhaix, puis Morlaix. Traqués, les premiers membres sont arrêtés en août 1942. D’autres le sont au cours de l’hiver 1942-1943.
Sur les 197 agents du réseau, 53 sont tués et 60 déportés. Le réseau, anéanti par les arrestations, cessa d’exister en juillet 1943.
Sur le mur d’enceinte du cimetière de Kerfuenten, figure une plaque en mémoire des 34 Français membres du réseau « Johnny » qui officiaient à Quimper.

yvonne le roux

Le capitaine Dréau de Lesconil était chargé au sein des F.F.C. de relever les plans des fortifications allemandes du mur de l’Atlantique d’Audierne à Bénodet.

Mon père, Jean Quideau, en tant qu’ancien militaire démobilisé à Toulon, lors de l’envahissement de la zone libre par les allemands le 11 novembre 1942 dénommée « Opération Attila » et son prolongement « Opération Lila » du 26 novembre qui avait pour but de s’emparer de la flotte à Toulon, devint agent de renseignement de « l’armée secrète » (AS) à Brest.

jean Quideau2

La mission essentielle de ce réseau était de surveiller les mouvements des unités allemandes en particuliers les croiseurs et les sous-marins allemands basés à Brest.

Brest les grands basiins de laninon
Lorsque le réseau de Lesconil fut démantelé en juin 1944, mon père fut affecté le 01/08/1944 au sein des F.F.T. désormais désignés sous le pseudonyme « Bataillon Antoine Volant » depuis la mort de ce dernier le juin 9 juin 1944 et l’assassinat de ses compagnons d’armes.

FTP

Les rescapés du bataillon du « bataillon Antoine Volant » furent intégrés aux F.F.I. qui participèrent aux combats d’Audierne et de la presqu’île de Crozon.

Mon père quant à lui fut transféré à Paris le 10/08/1944 au sein de l’Organisation Civile et Militaire (O.C.M.) pour participer à la libération de capitale qui débuta le 19 août1944 et qui prit fin le 25 août 1944 avec la capitulation du général allemand Von Choltitz.

liberation de ParisOccupation allemande du pays bigouden

Dès le début de l’occupation du pays bigouden, les allemands construisirent toutes sortes de fortifications (casemates, bunkers) le long de la côte. Ces constructions  furent l’œuvre de l’ingénieur Fritz Todt et elles s’inscrivirent dans un vaste plan appelé « Mur de l’Atlantique ». Le but était de protéger les côtes pour empêcher toute approche et débarquement allié par mer.  Beaucoup de travailleurs, qu’ils soient volontaires ou issus du Service du Travail Obligatoire (S.T.O) sont employés dans la construction de cette barrière soit disant infranchissable.

cassemates de la TorchePour la petite histoire, Todt fut également le concepteur de la « ligne Sigfried ». Les allemands reproduisirent les mêmes erreurs que les français avec leur ligne Maginot. Ils se retirèrent derrière leurs fortifications soit disant infranchissables. On sait ce qu’il advint.

Pour tenir et surveiller la côte, les allemands firent appel à  des réservistes  ou des troupes composées de légionnaires venus des pays de l’Est (Caucasiens, Géorgiens, Russes Blancs, turcs etc..). Ces mercenaires formèrent les « Ost Bataillons ».

La douane appelé « Gast » était chargée de surveiller les bateaux et les pêcheurs. C’était elle qui délivrait les autorisations d’appareillage les durées de pêche et les quotas de prises.

COTES DU PAYS BIGOUDEN

1940 à 1944, années d’occupation dans le pays bigouden

Le 3 juillet 1940, les troupes allemandes arrivèrent à Pont- l’Abbé.

l’État-major allemand s’installèrent dans les bâtiments scolaires du collège saint Gabriel ou un Bureau de Commandement local (OrstKommandantur) et une prison pouvant accueillir 50 prisonniers furent également aménagés.

De petites garnisons furent créées le long du littoral dans le but de surveiller les côtes et de renforcer la police des ports et de la douane appelée la « Gast ».
Les principales garnisons s’installèrent à Plomeur dans le bourg de Beuzec Cap-Caval, à Lesconil au sémaphore  du Goudoul et la « Gast » dans les locaux de l’usine Maingourd  » Ar fritur coz »( la vieille conserverie)  réquisitionnés.  A Pont l’Abbé ce fut le manoir de Trévannec qui fut réquisitionné.

La vie devint de plus en plus difficile dans les ports de pêche de la côte, car les autorisations de sorties en mer se font le plus en plus rares. La « Gast » se faisait de plus en plus tatillonne et fouillait tous les bateaux qui rentraient ou sortent des ports.
Le 22 juin 1940, le chalutier le « Korrigan » du Guilvinec parvint à s’échapper vers l’Angleterre avec 20 patriotes à son bord. Cette évasion aura pour effet de rendre les allemands encore plus suspicieux.

Arrivée de « légionnaires » allemands à Pont-l’Abbé

Début 1944, de nouvelles troupes composées d’une majorités de « mercenaires » arrivèrent à Pont-l’Abbé.

Ces « légionnaires » faisaient partie du 800 ième bataillon Nord-Caucasien. Le bataillon était composé de 898 hommes dont 8 officiers sous les ordres de la 265 ième division d’Infanterie Allemande.

OSTTRUPPENL’ Ost (Est) Bataillon 800 Nord-Caucasien (Nord-Kaukasiche) :

L’Ost Bataillon 800, était commandée par le lieutenant Panzer.

Il installa son quartier général (Stab) dans les bâtiments de l’école Saint Gabriel de Pont l’Abbé. Panzer avait pour adjoint le lieutenant Schmidt.

Saint Gabriel pont l'abbe
Plusieurs compagnies « K.P. » furent disséminées sur tout le territoire :
– La 1 ère Cie à Pont l’Abbé et Pouldreuzic ,
– La 2 ième Cie à Treguennec et Beuzec Cap-Caval
La 3 ième Cie à Plobannalec-Lesconil,
– La 4 ième Cie à Plomeur et Plovan.

Les allemands étaient nerveux car ils présentaient l’éminence d’un débarquement allié. Ils ne connaissaient pas l’endroit ou il devait avoir lieu, mais les grandes plages du sud Finistère et plus particulièrement entre Audierne et Penmarch leurs paraissait être un « spot » favorable pour un débarquement .

De plus la Résistance s’était renforcée et les actions de sabotage se multipliaient présageant le début de la lutte armée.

Dans le canton de Pont-l’Abbé le groupe « Vengeance » avait été décimé. Plusieurs de ses membres furent déportés en Allemagne.

Les allemands s’installent à Plomeur

La commune de Plomeur avait été retenue par l’État-major allemand comme poste de commandement et de garnison, car elle se trouve au centre du pays bigouden à un point stratégique non loin de la « Ortskommandantur » (bureau de commandement local) de Pont-l’Abbé de la côte et des immenses plages du Cap Caval.

800 ieme bataillon plomeurC’était les 2 ième et 4 ième compagnie du 800 ième bataillon nord-caucasiens qui occupaient les lieux sous les ordres du capitaine Schuttenhelm. Il avait installé son poste de commandement (P.C.) dans le bourg de Beuzec-Cap Caval sur la route qui va de Plomeur à la Torche.
Schuttenhelm avait reçu quelques semaines auparavant un officier adjoint en la personne du lieutenant Piking.

Piking était un original, arrogant qui ne se déplaçait qu’à cheval. Il devait sans doute se prendre pour Henry IV, avec son cheval blanc, mais ce n’était qu’un « soudard ».
D’ailleurs, les autochtones l’avaient surnommé :
« Soudard ar Marc’h Gwen » (le soldat au cheval blanc).

le cheval blanc
Il s’était fait remarquer dès son arrivée à Plomeur, en se présentant au café de Kervevant dans le but de réquisitionner une chambre pour lui et un box pour son cheval.
A dos de cheval, il entra dans le bar et alla, jusqu’au comptoir commander une bière pour lui pour lui et du cidre pour son cheval.

histoire du bataillon antoine volant

Voici les faits tels qu’ils se sont déroulés en juin 1944 d’après les récits et les divers témoignages de l’époque.

Le 3 juin 1944
Le message diffusé sur Radio Londres, la British Broadcasting Communication (B.B.C.) « L’heure des combats viendra… » Annonça le débarquement et constitua l’ordre de lancement des opérations de sabotages des voies ferrées de Normandie et de tout l’’ouest de la France.
Le 4 juin1944
Le second message, « Les sanglots longs des violons de l’automne » : une strophe de la chanson d’Automne de Paul Verlaine donna l’ordre, aux résistants, des sabotages des voies ferrées et des lignes téléphoniques du Grand Ouest.
Le 5 juin 1944
La partie finale de la strophe, volontairement modifiée, «bercent, et non blessent, mon cœur d’une langueur monotone » sonna la mobilisation générale de tous les réseaux et le passage aux attaques de dépôts de munitions, de stations de transmission, d’embuscades des convois allemands.

Le 6 juin 1944
L’opération militaire du débarquement, baptisée « Overlord », venait tout juste de débuter sur les plages normandes. Les alliés avaient réussi à établir une « tête de pont » sur le sol Normand.
La nouvelle du débarquement s’était répandue, la veille au soir, comme une trainée de poudre après la réception de la totalité du message codé diffusé sur les ondes de la B.B.C.

BBC

La nouvelle s’était déjà répandue comme un trainée de poudre dans tout le pays bigouden.

Une section de résistants quitta leur cache de la chapelle de Plonivel  et de la ferme de Brézéhan pour se rendre à un rendez-vous secret dans les environs de la commune de Plomeur ou ils devaient réceptionner de l’armement.

Cette troupe était composée en totalité de maquisards F.T.P. de Plobannalec-Lesconil. Prosper et Pierre Quéméner, Armand Primot, Albert Larzul, Julien Faou, George Donnart et Corentin Divanach faisaient partie de ce détachement.

Le même jour à Plomeur

Les allemands sur le pied de guerre depuis la nouvelle  du débarquement allié en Normandie, voulaient instaurer l’État de siège. Ils décidèrent de faire placarder des affiches dans toute la commune pour avertir  et contenir toute la population de tout débordement et de toute action à leur encontre.

Dans la soirée, deux mercenaires caucasiens, désignés pour cette tache se présentèrent chez Louis Méhu, maire de Plomeur.
Ils lui réclamèrent, ou plutôt lui intimèrent l’ordre, de leur fournir l’aide d’un employé municipal ainsi que de la colle en vue de remplir la mission qui leur avait été assignée.

Le maire, ne pouvant qu’obtempérer alla lui-même prévenir son secrétaire de mairie, Isidore Le Garo, et lui demanda d’accompagner les deux allemands pour les aider à coller les affiches, puis il retourne dans sa ferme de Pratouarc’h.

Dans le même temps, le groupe de résistants de Plobannalec-Lesconil, en « planque » dans les environs, attendaient depuis un bon moment la réception des armes promises.

En fin de soirée, Ils furent prévenus par une habitante du bourg de Plomeur que les allemands étaient sur le qui-vive et que deux d’entre eux collaient des affiches dans tout le village. N’ayant plus d’espoir de réceptionner les armes, ils décidèrent de se rendre dans le village.

La capture des quatre allemands à Plomeur

Les deux caucasiens qui s’affairaient au collage des affiches furent « manu militari » capturés. Isidore le Garo, Le secrétaire de mairie qui les aidait dans leur tâche, fut prié de renter chez lui.
Louis Méhu, maire de Plomeur, n’avait pas encore eu le temps de se mettre au lit qu’on frappait de nouveau à sa porte. Trois F.T.P. de Lesconil étaient venus l’informer que « le bourg était sous contrôle » des résistants.
Le maire, inquiet de ce qui risquait d’arriver, décidait toutefois de les accompagner au centre du village ou une dizaine de résistants s’étaient regroupés.

Louis Méhu était loin d’imaginer que cette initiative aurait pour lui, dans un avenir proche, des conséquences tragiques.

Louis Mehu

Les sept F.T.P. de Lesconil avaient reçu le renfort d’autres acteurs de la résistance de Tréffiagat et du Guilvinec.

Le maire aperçut enfin les deux soldats caucasiens désarmés et gardés à vue par les résistants. Il devait penser que c’était quand même utopique et prématuré, malgré le débarquement du matin en Normandie, de croire qu’en arrêtant deux allemands, que la situation était « sous contrôle » et que la garnison des Nord-Caucasiens de l’Ost 800, basée un peu plus loin à Beuzec-Cap Caval resterait sans réaction.

Louis Méhu, encore moins rassuré de la tournure que prenait cette affaire, donna quand même quelques consignes de bon sens car il savait pertinemment que la garnison caucasienne ne tarderait pas à se manifester dès qu’elle constaterait l’absence des deux soldats.

Il avait probablement suggéré aux maquisards de ne pas rester dans le coin et d’amener les prisonniers avec eux le plus loin possible de la commune.

Il retourna chez lui très inquiet, perturbé par ces évènements et en fit part à son épouse.

Toujours sur la place du village, les F.T.P. aperçurent deux autres allemands qui revenaient en charrette avec le courrier destiné aux soldats de la compagnie. Ils se dirigeaient vers leur cantonnement et devaient traverser le bourg. Les résistants décidèrent de les arrêter, de les désarmer et de les faire prisonniers.
Le cheval fut dételé et laissé en errance sur la route. La charrette fut cachée dans la remise d’une ferme des alentours.

charrette
La petite troupe de résistants et leurs quatre prisonniers s’en retournent de nuit, par des chemins détournés, en direction de Kerbullic, puis Kerc’hom, Kerflouz, Kerform, Plobannalec, Saint Alour et enfin Plonivel.

En chemin ils décidèrent d’un commun accord de les garder prisonniers dans le presbytère désaffecté  et inoccupé de la chapelle de Plonivel dans l’attente du sort qui leur serait réservé.

Il arrivèrent à destination vers 2 heures du matin .

Le 7 juin à Plomeur
Au petit matin, les colleurs d’affiches étaient portés absents. Des patrouilles furent envoyées pour effectuer des recherches à Plomeur. Des affiches avaient été placardées, mais presque toutes avaient été déchirées, les soldats avaient disparus. Cela présageait un coup de main à l’encontre des deux caucasiens.

De retour au siège de la garnison à Beuzec-Cap Caval, les patrouilles informèrent le capitaine Schuttenhem, leur commandant de compagnie, du résultat de leurs recherches. Celui-ci chargea son adjoint le lieutenant Piking d’aller voir le maire pour lui demander des explications sur ce qui avait bien pu se passer. Il lui ordonna de le suivre à la mairie ou il le mettait aussitôt aux arrêts.
Au début de l’après-midi, les soldats allemands de la garnison organisèrent une rafle dans toutes les maisons et les champs des environs. Ils arrêtèrent tous les hommes sur les lieux de travail et les conduisirent au centre du bourg devant le presbytère.

Sept d’entre eux, François Moulin, directeur de l’école de Lesconil, qui habitait à cette époque Plomeur, Louis Toulemont, George Goyat, Antoine Charlot, Pierre le Bleis, Laurent le Bec, René Larnicol ainsi que le maire Louis Méhu furent arrêtés et ramenés à Beuzec-Cap Caval ou ils furent enfermés dans une grange de la ferme de Henri Poullélaouen à Vengam.

Parallèlement ils continuèrent les recherches et retrouvaient dans un champ des masques à gaz écrasés et un pantalon ayant appartenu à l’un des soldats disparus.
Les allemands fous de rage proférèrent de lourdes menaces envers la population si leurs quatre soldats n’étaient pas immédiatement libérés, vivants.

masques a gazLe 7 juin à Beuzec, le « corbeau » du Cap Caval

Le lieutenant Picking est chargé des interrogatoires.
Au cours de ceux-ci, Il apprenait, par une « source anonyme », que les quatre allemands n’avaient pas été tués mais qu’ils avaient été capturés et conduit près d’une chapelle de la commune de Plobannalec.
Piking prévint son commandant, le Capitaine Schuttenhem, du résultat de son enquête et de la piste obtenue.
Tous deux examinèrent les positions de toutes les chapelles de la commune de Plobannalec et  même élargirent le périmètre aux autres lieux de culte des environs.

Huit églises et chapelles furent retenues comme caches possibles :
Saint Alour de Plobannalec
Sainte Anne de Lesconil
Saint Brieuc de Plonivel
Saint Tudy de Loctudy
Porz Bihan
Notre Dame ar Croaziou (des croix)
Saint Quido
Saint Tual
Ils écartèrent d’office les chapelles de Saint Alour, Sainte Anne, Saint Tudy, Porz Bihan et Croaziou car trop centrales donc trop exposées pour servir de caches aux maquisards.

chapelles ploba lesco loctudy

Trois chapelles restèrent dans leur collimateur :
Saint Tual, Saint Quido, et Plonivel.
Saint Tual est située sur la commune de Loctudy, était trop lointaine de Plobannalec.

Les déductions portèrent sur les deux chapelles restantes :
Saint Quido
Plonivel

chapelle saint quido plonivel

Saint Quido, fut toutefois écartée, étant trop visible de la route, de plus située sur la commune de Loctudy, Ils ne tardèrent pas à cibler la dernière d’entre elles :

La chapelle de Plonivel

PLONIVEL44la chapelle est située dans un endroit discret sur la commune de Plobannalec.

PLONIVEL29Le capitaine Schuttenhem prévint l’ Ortskommandantur, le bureau de commandement local de Pont-l’Abbé, du lieu probable où se cachaient les maquisards avec leurs quatre prisonniers allemands.

L’Orstkommandant, le lieutenant Panzer, informa aussitôt sa hiérarchie à la Feldkommandantur de Quimper.

Le 8 juin à Plonivel

Arrivés vers 2 heures du matin à Plonivel, les Francs-Tireurs Partisans de Lesconil s’étaient réunis dans l’ancien presbytère inoccupé et désaffecté de la chapelle de Plonivel ou ils débâtaient sur le sort des encombrants prisonniers.
La garde des deux caucasiens et des deux allemands avait été confiée à Pierre Cossec, Yves Biger, et Jean-Marie Cadiou.
Dans la matinée Les trois hommes avaient reçus l’ordre de creuser, une fosse derrière un talus, à cinquante mètres environ du vieux presbytère. Cette fosse devait servir de sépulture aux quatre prisonniers, car il fallait les faire disparaitre au plus vite.

plonivel

Le 8 juin à Lesconil
La nouvelle des terribles menaces proférées par les allemands à l’encontre du maire de Plomeur et tous les autres otages prisonniers à la ferme Poullélaouen à Vengam était parvenue aux oreilles de Corentin Divanach et Julien Faou deux résistants de Lesconil, parmi les plus âgés.
Ils comprirent rapidement côté dramatique que cette situation pouvait engendrer et que des victimes innocentes pourraient en pâtir.
Ils décidèrent d’aller trouver leurs camarades qui gardaient les quatre prisonniers à Plonivel en vue d’essayer de les convaincre de libérer les prisonniers afin d’éviter des représailles à l’encontre de la population.
En chemin, ils réussirent à convaincre un autre habitant, Etienne Cariou, de les accompagner dans leur démarche.
C’est donc à trois qu’ils se rendirent  jusqu’à  la chapelle de Plonivel.

carte plobannalec lesconil
On ne connait pas le résultat de leur négociation. Il se murmure toutefois qu’il y eu des désaccords entre les résistants quant au sort réservé aux prisonniers, mais qu’une majorité s’était détachée pour les faire disparaitre.
Avaient-ils vraiment l’intention d’aller au bout de leur projet, on ne le saura jamais…

Le même jour au bureau de la « Gast » au sémaphore de Lesconil

Dans la matinée, l’ Orstkommandant de Pont l’Abbé, le lieutenant Panzer, rencontra Oberfeldwebel William Bartel dit « Willi », Chef du poste de douane (la Gast) stationnée au sémaphore de Lesconil puis ils se rendirent dans les bureaux de la vieille usine Maingourd.

Panzer, lui relata en détail les faits qui s’étaient déroulés à Plomeur et il lui annonça qu’une grosse opération aurait lieu pour le lendemain à Lesconil. Il lui demanda sa collaboration et l’appui de tous ses douaniers.

Le chef de la Gast lui dit qu’il mettrait en plus un de ses hommes, Otto Knuttel, interprète auxiliaire des douanes, à disposition pour les interrogatoires.

Le 9 juin 1944 dans la matinée dans le quartier de Brézéhan

Le matin du 9 juin, la 3ième compagnie avec des renforts venus d’autres compagnies encercla les maisons du quartier de Brézéhan. Ce quartier situé à la périphérie de Lesconil en direction du Nord était tranquille peu habité, propice pour servir de cantonnement.

Sept maquisards sont capturés, Corentin Béchennec, Georges Donnart, Corentin Durand, Lucien Dréau, Louis Larnicol, Joseph Trebern et Émile Stéphan.
Les allemands ne trouvent pas d’armement en leur possession mais uniquement quelques cartouches et un brassard avec le sigle FTP.

Escortés par les allemands, mitraillette au poing, ils sont tous conduits en file indienne, les mains sur la tête vers l’entrée de Lesconil, puis au centre-ville à l’intérieur de la vielle usine Maingourd.

conserverie Maingourd
Peu de temps après ils sont embarqués manu militari dans un camion pour être conduits à la Kommandantur de Saint Gabriel à Pont l’Abbé pour y être interrogés.

extrait de lettreEncore de nos jours, on se pose encore la question :
« Pourquoi, les allemands ont-ils, dans un premier temps ciblé le quartier de Brézéhan, plutôt que la chapelle de Plonivel qui leur avait déjà été indiqué par un « indic » ?
« Savaient-ils déjà que les résistants s’y cachaient » ? On peut le supposer car Ils semblaient bien renseignés et savaient ce qu’ils faisaient.

Lettre 2Le matin du 9 juin à Plomeur

Le matin du même jour des interpellations ont lieu dans la commune car des tracts du réseau « Libération Nord » ont été retrouvés.
Julien Durand, Marcel le Garrec, Jean Buannic et Yves Queffelec sont arrêtés. Brutalement interrogés ils sont embarqués dans un camion qui les conduira à Saint Gabriel. Le secrétaire de mairie, Isidore le Garo, est lui aussi arrêté et conduit à Pont l’Abbé.

On ne peut que constater que ces opérations menées simultanément résultaient d’un plan minutieusement préparé par le capitaine Schuttenhelm responsable de la mission, les lieutenants Panzer et Piking.

L’étau se resserrait et une opération de grande envergure était éminente.

Le 9 juin 1944 après-midi à Plonivel , le combat de la chapelle

plonivelDans l’après-midi, avant 15h00, un nombre important d’allemands provenant des différentes compagnies arrive dans plusieurs véhicules aux environs de la chapelle de Plonivel.

Dans l’un de ces véhicules on aperçut le jeune Lucien le Dréau qui avait été arrêté le matin même à Brézéhan.

La présence du jeune homme dans une voiture allemande fut considérée par de nombreux habitants de Lesconil comme une trahison. Que faisait-il dans ce véhicule ? Avait-il parlé (sous la contrainte et les coups) de l’endroit où les résistants se cachaient et où ils avaient séquestré les quatre prisonniers.
Bien longtemps après la guerre, le doute subsistera dans les esprits.

Lucien Dréau connu une fin tragique en tant que patron du chalutier le Korrigan qui sombra corps et biens par une noire le dimanche 22 janvier 1950 sur la roche du Men Du en face du port de Larvor. Les six membres de l’équipage périrent dans l’eau glacée.

Pour lire le récit  du naufrage , dans l’histoire « les galériens du sauvetage en mer », cliquez sur le lien ci dessous.

Les galériens du sauvetage en mer

korrigan23

Les soldats, sous les ordres du Lieutenant Panzer qui dirigeait l’opération, encerclèrent la chapelle et son presbytère. En s’approchant, ils furent repérés par les résistants qui commencèrent à tirer. Panzer reçut une balle qui lui traverse la casquette sans toutefois le blesser. Après un bref échange de tir, faute de munitions. Pierre Daniel, Pierre Quéméner et Ange Trebern durent capituler et se rendre. Les allemands récupérèrent leur sommaire armement composé d’une mitraillette et de deux pistolets.
Les deux allemands et les deux caucasiens furent libérés.
Antoine Volant tenta de fuir vers Kervéol, mais il fut rattrapé et abattu.

STELE KERVEOL
Son frère Yves Volant, s’échappa en direction du Ster, mais en essayant de franchir la ria, il fut gravement touché et capturé.
Entre temps autour de la chapelle, Les trois résistants occupés à creuser la fosse au moment de l’assaut tentèrent de se cacher pour fuir, mais Yves Biger et Jean-Marie Cadiou furent également capturés, seul Pierre Cossec réussi à s’échapper.
Avant de partir, les allemands incendièrent le vieux presbytère.

9 juin 1944

Le 9 juin, les premières arrestations de lesconil

En parallèle avec l’assaut de Plonivel, les allemands procédèrent à des arrestations dans la commune. Nicolas Stéphan patron de l’ Atlantic Hôtel et son fils Pierre. François le Bec propriétaire de l’Hôtel des Dunes, Thomas Castric, Alphonse Primot, Louis Primot, Yves Lebrun, Sébastien Bargain, le coiffeur Ernest le Donche, Jean-Louis Durand, qui s’étaient caché la nuit précédente dans les fermes environnantes de Lesconil, furent arrêtés en rentrant chez eux. Ils furent tous conduit à la prison de Saint Gabriel pour y être interrogés.

Le 10 Juin, à Pont l’Abbé, le tribunal militaire

Les allemands étaient sur les dents, il y avait des patrouilles partout dans le pays bigouden. Interdiction de circuler à vélo l’après-midi et couvre-feu partir de 19h00.
Dans la matinée, Louis Méhu, maire de Plomeur, arriva en carriole encadré par deux gendarmes à la prison de Saint-Gabriel.
Le général Düvert et les membres de son État-major arrivés dans la matinée à pont l’Abbé constituèrent un Tribunal Militaire dans la grande salle « Saint Louis » de Saint Gabriel dans le but de juger les résistants capturés.
Pour la circonstance, la salle avait été drapée de tentures rouges et de drapeaux de la Wehrmacht avec croix gammée. Le jugement qui n’était qu’une parodie, le verdict tomba comme un couperet sur les têtes des maquisards
Corentin Béchennec, Corentin Durand, Georges Donnard, Joseph Trebern, arrêtés le 9 juin dans la ferme de Brézéhan à Lesconil, furent condamnés à mort.
Yves Biger, Jean-Marie Cadiou, Pierre Daniel, Pierre Quéméner et Ange Trebern, capturés le 9 juin dans l’après-midi autour de la chapelle de Plonivel se virent condamnés à la même sentence.

Le 11 juin 1944, à la prison de Saint Gabriel

Louis Larnicol, le jeune instituteur natif de Lesconil, en poste dans le Morbihan, arrêté avec les autres résistants dans la ferme de Brézéhan, était assassiné dans la prison de Saint-Gabriel ou il avait été conduit.

Le jeune instituteur aurait tenu tête à ses geôliers et essayé de soustraire une arme à l’un d’entre eux. Celui-ci lui aurait fracassé les jambes puis le crane avec son fusil.
D’après le témoignage d’autres prisonniers, ils auraient entendu des bruits de lutte avec des cris de douleurs, pas de coup de feu, puis un grand cri.

A ce jour, la dépouille du jeune instituteur massacré à la « prison » Saint-Gabriel, n’a pas encore été retrouvée malgré les fouilles effectuées par les habitants de Lesconil.

L’énigme des ossements du sémaphore de Lesconil et de la plage de Léchiagat

Y aurait-il un rapport quelconque entre la disparition du jeune instituteur lâchement assassiné à Saint Gabriel et la découverte d’ossements humains le 9 septembre 2015 sur les dunes de lesconil près de la maison  de la doctoresse Madame Calvet, première épouse du « docteur » Bombard .

semaphore de Lesconil
Il ne faut pas oublier que la douane allemande, la « Gast » avaient ses quartiers dans les locaux du sémaphore, à deux pas de cette bâtisse.

semaphore maison calvet

D’autres ossements avaient également été découverts quelques années auparavant sur la plage toute proche de Léchiagat.

Les allemands, auraient ils tenté de faire disparaitre toutes les traces de cet acte totalement odieux ? C’est Possible.

La datation des ossements sera déterminante. Malheureusement si les ossements ont plus de cinquante ans,  l’enquête judiciaire serait close.

Le 12 juin 1944, la grande rafle de lesconil

Le 12 juin, au matin, de nombreux allemands encerclèrent toute la commune de Lesconil et se déployèrent dans tous les quartiers.
L’objectif était d’appréhender toutes les personnes de sexe masculin entre 17 et 50 ans dans la rue ou chez elles, et de les conduire dans la vieille conserverie Maingourd « Ar Fritur Coz », casernement de la « Gast » situé au centre-ville près du port.
Tous les hommes de la commune interpellés furent rassemblés et alignés dans la cour. Les deux agents de la police secrète allemande (Geheime Feldpolizeï) Jordan et Pfalher détachés pour cette opération, procédèrent à un premier tri des identités, selon des indications d’une liste de noms qu’ils avaient en main.

On peut se demander quand, ou et par qui ils ont obtenu ces informations nominales précises ? Un des prisonniers aurait-il parlé sous la torture ? Le corbeau du cap Caval ? Un agent de la « Milice »  infiltré? Les hommes de la « Gast » qui connaissaient bien la population et le terrain.
Difficile à déterminer, un peu de tous ces facteurs, sans doute.

Toujours est-il que deux groupes furent constitués : Le premier à droite, le second à gauche.
Ceux de droite furent conduits dans l’usine. Ceux de gauche furent relâchés, aucune charge n’étant retenue contre eux.

Les hommes conduits dans la conserverie furent alignés contre un mur.

Les deux caucasiens et les deux allemands retenus prisonniers dans la chapelle de Plonivel passèrent devant eux, ils reconnurent et désignèrent six des résistants ayant participé au coup de main de Plomeur.

Etienne Cariou, Corentin Divanach, Julien Faou, Albert Larzul, Armand Primot, Prosper Quéméner furent aussitôt arrêtés et embarqués dans un camion pour être conduit à la prison de Saint-Gabriel.

D’autres, soupçonnés de complicité ; Jean Coic, Daniel Gentric, Pierre le Moigne, Sébastien Nédélec, Antoine Bargain, Nicolas Buannic, Louis Cadiou, Mathieu le Cossec, Marcel le Garrec, Émile Queffelec et Marcel Queffelec furent également embarqués en direction la prison de Pont-l’Abbé.

Les plus jeunes ; Théodore Biger, Gabriel Faou, Sébastien Cap, René Durand, Gaston Lucas, Jean Kerhom, Louis le Cossec, Louis le Pape, Jean Pérès, Laurent Larzul et Georges Dachy  furent également arrêtés et conduits à Quimper puis transférés dans des camps de travail obligatoire en Allemagne.

12 juin 1944, Saint Gabriel, Pont l’Abbé

Louis Méhu, maire de Plomeur était assassiné dans le dortoir Saint-Stanislas.
On retrouvera des traces de balles dans le mur de la salle mais des traces de sang sur le plancher.
Sébastien Cossec, détenu depuis plusieurs mois à la prison Saint-Charles de Quimper, soupçonné d’appartenir aux F.T.P. de Lesconil fut ramené à la prison de Saint-Gabriel.

15 juin 1944, sur la plage sanglante de la Torche

En fin d’après-midi du 15 juin, les neufs résistants de Lesconil, condamnés à mort par le tribunal militaire du 10 juin eurent l’ultime vision du sable blanc immaculé de la palud de Tronoën près de la pointe de la torche.

Ils furent alignés, pieds et poings liés, le dos à une fosse préalablement creusée ou ils tombèrent ensemble sous les balles du peloton d’exécution.
Le sable blanc s’imprégna d’un rouge sang.

15 juin 1944_ les 15 fusillés de la TorcheLe 15 juin, liberté, travail obligatoire, ou prison.

Le 15 juin et les jours qui suivirent, une trentaine de prisonniers quittèrent Saint-Gabriel.

Les plus chanceux furent libérés, les seconds prirent la direction du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) en Allemagne.

Sébastien Cossec, Pierre le Moigne, Jean Perru, Émile Queffelec, Marcel Queffelec et Louis Volant, furent enfermés à la prison Saint-Charles de Kerfuenten à Quimper.

Jean Coic, Lucien le Dréau, Daniel Gentric, Sébastien Nédélec et Émile Stéphan furent transférés dans la sinistre prison de Fresnes dans la région parisienne.

Le 19 juin, nouvelles arrestations au port de Lesconil

Antoine Buannic et Maurice Stéphan, marins sur le chalutier « Virginie-Herriot » furent arrêtés par la « Gast » (douane) à leur retour de pêche. Leurs noms figuraient sur la liste établie par la « Geheime Feldpolizei » (police secrète).

Otto Knuttel, l’interprète des douanes , la fouine locale ,  fut chargé de cette mission.

19 juin 1944, au 894 ième R.I. de Quimper

La 2ième compagnie du 894 ième Régiment d’Infanterie basée à Quimper était envoyée en Normandie ou elle sera pratiquement exterminée.

22 juin 1944, tenue du second Tribunal Militaire de Saint-Gabriel

Le 22 juin, six résistants arrêtés dans la rafle du 12 juin à Lesconil, furent condamnés à mort par le Tribunal militaire de la Feldkommandantur de Quimper.

23 juin 1944, avant la tombée de la nuit sur la plage de la Torche

Les six Prisonniers furent conduit en camion, pieds et poings liés avec de la corde et du fil de fer de Pont-l’Abbé à la plage de la Torche.

Etienne Cariou, Corentin Divanach et Julien Faou, furent alignés et fusillés à 22h20.

23 juin 1944_ les 7 fusillés de la TorcheLes allemands savaient, sans aucun doute, que ces trois habitants de Lesconil connaissaient la cache des résistants et du rapt de Plomeur et qu’ils avaient tenté en vain de négocier la libération de leurs collègues.

Ils voulaient donner un exemple de leur détermination à éradiquer toute forme de résistance en incluant tous ceux qui se rendaient complice des maquisards tout en connaissant leurs agissements et en  ne les dénonçant pas auprès des autorités allemandes.

Huit minutes plus tard, ce fut au tour d’Albert Larzul, Armand Primot et Prosper Quéméner d’être passé par les armes. Avant le mourir, ces trois jeunes, âgés de dix-neuf à vingt-deux ans, avaient eu tout le temps d’assister au massacre de leurs aînés.

Les fosses (quatre au total) ou ils étaient tombés sous les balles allemandes est située à moins d’un nautique au nord-est de la pointe de la Torche à une vingtaine de mètres de la marée haute, au même endroit que leurs camarades fusillés huit jours auparavant.

stele de la torche

Qu’était devenu Pierre Cossec, le seul rescapé de la chapelle de Plonivel

Durant l’attaque des allemands à Plonivel, Pierre Cossec, réussit à s’enfuir en franchissant un talus pour se mettre à l’abri.

Après un long détour, au pas de course, vers le Ster Kerdour et le Beg Gwen. Il prit une plate pour traverser le Ster.
Il vint se cacher dans le vide sanitaire de la maison de son oncle au Ster Nibilic.

Peu de temps après Il fut rejoint par son frère Jacques, par Pierre-Marie Cossec et Pierre Trebern.
Les allemands étaient à leur trousse et ils perquisitionnaient partout dans Lesconil.

Otto Knuttel et ses hommes avaient établi une surveillance permanente autour des maisons des familles des fuyards. La nuit, une mitrailleuse était braquée en direction de la maison de Jacques le Lay, autre résistant qui avait réussi à échapper à la rafle du 12 juin.

Ils restèrent cachés près de deux mois car ils savaient ce qui les attendait s’ils étaient découverts.

Les F.T.P. se reconstituèrent progressivement à Léchiagat et dans les communes environnantes . Ils furent environ une vingtaine dont Lucien et Georges Pochat, René Crédou, Lucien Quideau. Les liaisons furent rétablies avec les résistants du « bataillon décimé » de Lesconil.

Les résistants manquaient d’armement malgré la livraison par containers dans les parages des Glénan.
Ou était passé les armes des Glénan? Mystère…

Le « Bataillon Antoine Volant » fut renommé   » 3 ième Bataillon de Marche du Finistère« .

Ce bataillon dépendait  du 118 ième Régiment de Quimper qui avait été réactivé .

118 RILe 118 ième R.I. participa aux combats de la poche de Lorient qui durera  jusqu’à la victoire du 8 mai 1945.

Le 5 août 1944, L’Ost bataillon 800 quitta le pays bigouden pour la presqu’île de Crozon .

La libération  de Pont- l’ abbé et du pays Bigouden

Le 24 septembre 1944, jour de la fête de la Tréminou, toute la population assista à  un grand défilé dans les rues de Pont-l’Abbé.

le pays bibouden libéré

ÉPILOGUE

Cette histoire est tirée de faits réels et divers témoignages  écrits et oraux de l’époque.

En particulier une lettre de Charles Chalamon qui s’était réfugié à  lesconil dès la capitulation de la France.

chalamonla lettre écrite par Jacqueline X. , qui je pense habitait le quartier de Brézéhan,  et son amie X. également de Lesconil.

Elle résulte aussi de recherches personnelles avec des recoupements dans les documents divers, français, allemands, anglais de l’époque et de témoignages oraux, en particulier:

Les Cahiers de L’Iroise, n° 2, 1967, « Le Pays Bigouden sous la botte »

Un hommage à d’autres résistants bigoudens, amis de mon père

Arsène Coïc, tout le monde à Lesconil connaissait le cordonnier qui avait son atelier et sa boutique de rue Laennec.
Arsène se savait depuis longtemps surveillé car le garde-champêtre venait régulièrement s’assurer de sa présence à la maison.
Le 13 Octobre 1942 il fut arrêté par un policier en civil et un gendarme.
Déporté à Buchenwald, son métier de cordonnier lui sauva la vie, car il devait aussi bien réparer les chaussures et les bottes des soldats allemands que celles des prisonniers.

Albert Hénot, le futur maire de Treffiagat, entra dans la résistance à un âge ou on pense encore à s’amuser qu’à faire la guerre.

les livres de cette période de l’occupation en Bretagne et dans le pays Bigouden

livres la bretagne sous l'occupation

livre

la bretagne sous l'occupation

Charles Tillon  a écrit de nombreux ouvrage sur cette période, en particulier sur le francs Tireurs partisans.

tillon ftp2

Tillon FTP

Texte et réalisation 2015-2016

5 commentaires sur « Du sang sur le sable de la Torche »

  1. Merci pour ce récit. Je ne connaissais pas en détail cette tragédie.
    Mon grand père était Maurice Stéphan, arrèté le 19 juin à son retour de pêche. Il a aussi été déporté en camps de travail en Pologne mais par chance a survécu.

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    1. Bonjour,
      Merci d’avoir pris le temps de lire mon récit sur cette période sombre de la seconde guerre mondiale.
      Cette tragédie a laissé beaucoup de traces à Lesconil, Plobannalec, Léchiagat, Treffiagat et Plomeur.
      Il y eu beaucoup de rancœur, de non dit, de choses cachées, mais également des erreurs aux conséquences terribles et irréparables.
      Les cicatrices ne sont pas encore refermées sur cette période sombre de l’histoire du pays bigouden.
      Cordialement
      Capitaine de frégate (H)
      JC Quideau

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