Dans les bas-fonds de la rade de Toulon

Voici un récit qui relate quelques secrets, pas toujours avouables, que l’histoire essaye d’enfouir au plus profond de la rade de Toulon.

De tous temps, Toulon, de par sa position en Méditerranée et de son port ouvert entre l’Orient et l’Occident, a été le théâtre d’un passé mouvementé,  enfumé et sulfureux.

Ayant effectué une grande partie de ma carrière comme Officier dans la Marine Nationale à Toulon, j’ai eu vent, le Mistral sans doute, de certaines de ces histoires obscures qui ne se dévoilent qu’en petit comité, le soir dans l’entrepont, quand la nuit se fait complice…

Le récit que je vais vous raconter se décline en trois épisodes.

Épisode 1

  « Toulon la Rouge » « Port la Montagne »

A la fin du XVII ième siècle, par trahison, mais surtout par reddition de l’amiral breton « Jean Honoré Trogoff de Kerlessy » qui commandait l’escadre française chargée de défendre la ville, Toulon ouvrit sa rade et son port aux anglais.

Quand « l’infâme Toulon », nom donné à la ville par les républicains  fut reprise aux anglais, plus de mille traitres furent exécutés au Champ de Mars.

Le décret du 24 décembre 1793 stipula que dorénavant la ville et son port s’appelleront « Port la Montagne ».

Toulon était considérée comme une ville rebelle au passé tumultueux .

Est-ce que, parce qu’on y fabriquait le pourpre qu’elle fut aussi appelé « Toulon la Rouge » ou parce que elle s’était vendue aux anglais, les « uniformes rouges ».

Bien plus tard,  ce sont les « Pompons rouges »  qui s’installèrent sur la montagne,  dans les forts qui dominent le port, mais c’est une toute autre histoire que je raconte dans une autre page du site.

Cliquez sur l’image ci dessous pour lire le récit.

Avant la grande guerre, vers 1900, les voyages en Extrême Orient faisaient rêver, quand ce n’était pas « planer », l’aéronautique n’était pourtant qu’à ses début.

Volet 2: Le temps du « Chandoo » et de la « Touffiane »

Le « Chandoo » est le nom donné par les chinois pour l’opium raffiné que l’on peut fumer.

C’est des graines du « pavot somnifère », le papaver somniferum, qu’est tiré l’opium sous forme de résine (latex).Peu de gens le savent, mais le coquelicot est aussi de la famille des « papaver » (pavots).

Le Coquelicot « Rhoeas » est une espèce de plante de la famille des Papaver. Les coquelicots sont présents au bord des chemins et dans les champs. Les anglais  l’appellent « Corn Poppy (coquelicot) » ou « Field Poppy », autrement dit pavot « céréalier » ou des champs. Si on voit dans les champs des vaches euphoriques qui gambadent joyeusement, c’est sans doute qu’elles ont gouté aux coquelicots.

La « Touffiane » est le nom donné par les Indochinois à la pipe qui sert à fumer l’opium.

Vers 1900, les voyages en Extrême Orient faisaient rêver, quand ce n’est pas « planer ».

Avant que les français posent le pied en Indochine en 1858, l’opium était déjà fumé localement, essentiellement par les chinois présents sur place.

Les français expatriés peu scrupuleux comprirent très vite les profits qu’ils pouvaient tirer de l’opium. Ils construisirent en toute légalité des « fermes  à  opium ».

En 1881, le Gouverneur Général décida de substituer à la « ferme à opium » le régime de la Régie Directe, comme pour les tabacs et les alcools.

L’opium était maintenant traité à Saigon. Il fallait transformer l’opium brut en opium à fumer appelé « Chandoo » sous forme de boules.

La fabrique la plus connue en Indochine était certainement la Manufacture d’Opium avec ses deux lettres entrelacées M et O au-dessus du porche d’entrée. L’entrée de ce site était située en plein centre de Saigon, dans la rue Paul Blanchy.

En 1899, l’exploitation de la manufacture de Saigon est confiée à l’Administration des Douanes. Ce commerce florissant ne cessera véritablement qu’au départ des français à la fin de la guerre en 1955.

En 1930, la Douane estime à 54.000 fumeurs habituels d’opium en Indochine sur une population totale de 18 millions, principalement des chinois. Les autres fumeurs sont les autochtones, les expatriées et les militaires français.

Avant 1940, il y avait dans toute l’Indochine plus de 2000 fumeries d’opium. Les débits habilités à vendre l’opium étaient signalés par les deux lettres R.O.

Les marins, militaires, expatriés et les asiatiques immigrés d’Indochine et du Tonkin avaient rapporté en plus des plats et saveurs, des substances qui n’avaient rien à voir avec des mets exotiques comme le canard laqué, le porc au caramel ou le poulet curry.

Les colons anglais et les « indiens de l’Inde » qui ne faisaient rien comme les autres disaient:

 » We drink tea » but   » We eat opium « .

On ne voit pas bien ce qu’il y a à manger dans l’opium ? 

Les guerres de l’opium en Chine de 1839 à 1860 quand l’Angleterre et le France se battaient pour le monopole du marché de l’opium.

 En Grande-Bretagne, c’était l’ «opium war » (la guerre de l’opium). Une guerre pour cette drogue ? Pour le commerce ? Les conflits qui ont opposé la Grande-Bretagne, la France, la Russie et l’Allemagne  à la Chine entre 1839 et 1860 sont considérés comme une humiliation par les chinois.

C’est un fait que les amérindiens, fumaient aussi le calumet aux « herbes », pas celles de Provence, mais celles des prairies d’Amérique. Peut être que les sorciers y ajoutaient aussi  des opiacées pour s’agiter dans les danses « Pow Wow »  endiablées des Guerriers appelée les « Grass Dancers » ( danseurs d’herbes). Pendant les guerres indiennes, pour conclure un accord  entre l’armée et les tribus, il était d’usage de se partager le « calumet de la paix ». Beaucoup de calumets ont été fumés avant qu’une paix durable n’arrive enfin.

En France, l’opium était tout simplement fumé, pas comme le hareng, mais aussi avec une pipe.

A Toulon comme dans les autres villes portuaires du sud de la France on comptait plus de 200 fumeries d’opium.

Les villes les plus touchées par ce fléau étaient Toulon et Marseille.

A Toulon on comptait 168 fumeries d’opium après la première guerre mondiale.

Les expatriés avaient pris l’habitude comme en Indochine de « tirer sur le calumet », mais ce n’était pas pour la paix des territoires indochinois, mais plutôt pour planer au-dessus de la rade.

A Toulon comme dans les autres villes portuaires du sud de la France on comptait plus de 200 fumeries d’opium. Les villes les plus touchées par ce fléau étaient Toulon et Marseille.

La pratique se propagea ensuite rapidement aux autres ports tels que Brest, Rochefort ou Cherbourg.

A Toulon, dans les bars, autour du port, à la sortie de l’arsenal maritime on chantait:

« Ma Petite Tonkinoise »

ou encore

« Dans le port de Saigon il est une jonque chinoise…».

Les marins fréquentaient les maisons closes, ou les bars à « hôtesses ».C’étaient surtout des courtisanes bien sapées, très à la mode, avec toutefois un parler par toujours châtié qui contribuaient à développer la pratique de l’opium comme une prestation supplémentaire pour leurs clients.

La plus connue des courtisanes dans les années 1900, était la Marie Louise Welch dite la « belle Marie  ou  la « belle Lison».

Elle fréquentait les cercles fermés fréquentés par les officiers dans le quartier du Mourillon.

Cet officier était vraiment un « benjamin » dans ses rapports avec les femmes et la vie en général, ce  qui le conduira à trahir sa patrie, être dégradé et déporté au bagne de Guyane dans les » îles du salut ».

Je raconte cette aventure sur une autre page de mon site :

Cliquez sur l’image ci-dessous pour lire le récit.

Tous les abords du port furent contaminés par ce fléau qui se propageât jusqu’à la périphérie de la ville comme un incendie que l’on ne pouvait maîtriser.

Ces demi-mondaines tenaient les fumeries dans les villas du quartier du Mourillon et en périphérie de Toulon dans le quartier très chic de Tamaris dans les villas cossues au style mauresque.

Dans les villas, une pièce était aménagée avec nattes, paravents chinois, gros coussins moelleux (les poufs), tables basses sur lesquelles un plateau était disposé avec tous les ustensiles  de cuisine par pour faire le canard laqué ni les nems de Hong Kong, mais avec l’attirail du fumeur (pipe lampe aiguille).

Les courtisanes qui portaient des kimonos et elles virevoltaient entre les clients allongés sur le sol dans un état second.

Dans les villas, une pièce était aménagée avec nattes, paravents chinois, gros coussins moelleux (les poufs), tables basses sur lesquelles un plateau était disposé avec tous les ustensiles  de cuisine par pour faire le canard laqué ni les nems de Hong Kong, mais avec l’attirail du fumeur (pipe lampe aiguille). Les courtisanes qui portaient des kimonos et elles virevoltaient entre les clients allongés sur le sol dans un état second.

Sans doute croyaient-ils voir des éléphants roses ou des flamands bleus au-dessus d’eux quand ce n’est pas d’autres volatiles.

Les courtisanes s’attribuaient ou plutôt se faisaient attribuer par leur « protecteur » des noms exotiques pour cacher leur véritable identité.

Les noms sont souvent ceux d’oiseaux, d’insectes, de fleurs ou d’étoiles par toujours de très bon goût:

  • Calypso, celle qui capture les marins et ne les laisse plus partir,
  • Libellule, aux ailes fragiles qui va de fleurs en fleurs,
  • Marguerite, celle que l’on veut effeuiller pétale par pétale en faisant un vœu,
  • Stella, celle qui ne brille que dans les rêves et qui disparait le jour venu.

C’est dans les bras de ces demi-mondaines, actrices ou encore danseuses de cabaret, que les officiers, sous-officiers et marins, noyaient leur ennui et leurs chagrins.

Toulon ne vit alors que pour sa Marine et sa garnison.

Les fumeries seront répertoriées par les services de police jusqu’au décret de 1908 où l’importation d’opium sera réglementée et la vente absolument interdite.

Vers 1910, en France « l’exotisme » est dans tous les milieux : les arts, la littérature, la peinture, le cinéma les restaurants, les bars jusque dans les foyers.

Cette pratique est tolérée dans l’intérêt des colonies. L’opium est mollement réprimé. Normal car cela rapporte beaucoup d’argent à l’État grâce aux trois régies.

Opium  (RO)

Tabacs (RT)

Alcool (RA)

C’est celle de l’opium qui rapporte le plus en 1900.

Beaucoup de nouvelles demi-mondaines ont créé dans leurs appartements des fumeries et invitent ainsi leurs amis à venir fumer. Dans la périphérie de Toulon, à Sanary et dans la baie de Tamaris, le St Tropez de la belle époque du début des années 1900, des villas de « style mauresque » somptueuses ont vu le jour. Beaucoup d’entre elles servent pour les plaisirs divers des artistes et autres mondains de l’époque. La « villa des pins » était une fumerie d’opium.

Quelques femmes de marins ont ajouté ce complément de fumerie à leurs réceptions.

L’opium arrive aussi par bateau à Marseille et à La Ciotat venant de Chine et du Japon.

Des douaniers véreux du port de Marseille fermeraient les yeux moyennant un « back chiche » sur les cargaisons d’opium en dépôt dans les docks et les entrepôts.

Le 23 avril 1913, un journaliste du journal Le Matin révèle qu’il y aurait à Toulon 163 fumeries clandestines et qu’il aurait vu des officiers fumer jusqu’à 80 ou 100 pipes en une seule soirée.

Le Préfet maritime de Toulon reconnaît alors que la « touffiane » envahit la flotte de la Méditerranée.

Tous les jeunes officiers fument. La Marine et les militaires sont pointés du doigt.

Parallèlement, on reproche aux artistes qui ont traité de l’opium dans leurs œuvres d’en avoir véhiculé une image romantique de la pratique. Parmi eux, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Jean Cocteau, Pierre Loti, Claude Farrère,  et bien d’autres encore.

Charles Baudelaire est né le 9 avril 1821. En 1843, il découvre les « paradis artificiels » dans le grenier de l’appartement familial d’un ami. Sa pratique de l’opium est plus longue car dès 1847, il utilise le « laudanum » (lotion alcoolique d’opium très addictive)  à des fins  thérapeutiques.

Son  roman   » les paradis artificiels » est inspiré du livre  de Thomas De Quincey, « les confessions d’un mangeur d’opium anglais ».

Arthur Rimbaud né le 20 octobre 1854 absorbait régulièrement toutes sortes de cocktails destructeurs comme l’absinthe et l’opium. Il faisait partie avec Paul Verlaine des « poètes maudits ».

 

Jean Cocteau, est né le 5 juillet 1889. Il se mit à fumer l’opium suite à une grande dépression. Il a écrit en 1930: «  fumer l’opium, c’est quitter le train en marche ; c’est s’occuper d’autre choses que de la vie, de la mort »

Louis-Marie-Julien Viaud dit « Pierre Loti » issu de l’école navale en 1867.

En 1872, il est nommé Enseigne de vaisseau. En 1881, il est promu lieutenant de vaisseau.

De 1903 à 1905, il commande le torpilleur « Vautour », bâtiment stationnaire à Istanbul

.

Frédéric-Charles-Pierre-Edouard Bargone dit « Claude Farrère » est né le 27 avril 1876 à Lyon et il est décédé en 1957 à Paris.

Officier de marine il est admis à l’École Navale en 1894.

Il a servi comme Enseigne de vaisseau Chef de quart sous les ordres de Pierre Loti sur  le « Vautour ».

Claude Farrere a écrit de nombreux romans sur sa vie dans la marine et ses expéditions dans des pays exotiques pourvoyeurs d’opium.

Sidonie-Gabrielle Colette, est née le 28 janvier 1873.

C’est par snobisme que Colette avec d’autres auteurs fréquente les fumeries d’opium dont les adresses se transmettent sous le manteau ou de bouche à oreille.

Colette les a fréquenté, mais l’opium tout en ayant gouté par désir d’évasion, elle n’y trouve pas beaucoup de plaisir contrairement aux consommateurs à grande échelle.

 

La fermeture des fumeries, mais il n’y a aucune loi qui condamne l’usage de l’opium.

Les fumeries officielles disparaîtront peu à peu après 1916, mais il restait des fumeries clandestines dans le quartier du Mourillon et en périphérie de la ville à la Seyne -Sur-Mer dans les quartiers de Tamaris et des Sablettes.

 La loi du 19 juillet 1845 qui réglementait la vente, l’achat et l’emploi des substances vénéneuses (72 produits parmi lesquels l’opium, la morphine, la cocaïne), n’avait pas pour objectif la répression de l’usage de ces produits. Cette loi est modifiée par la loi du 19 juillet 1916.

Loi du 12 juillet 1916 concernant l’importation, le commerce, la détention et l’usage des substances vénéneuses, notamment l’opium, la morphine et la cocaïne.  

Loi du 12 juillet 1916 concernant l’importation, le commerce, la détention et l’usage des substances vénéneuses, notamment l’opium, la morphine et la cocaïne stipule:

« Les contraventions aux ordonnances royales portant règlement d’administration publique, sur la vente, l’achat et l’emploi des substances vénéneuses, seront punies d’une amende de cent francs à trois mille francs, et d’un emprisonnement de six jours à deux mois, sauf application, s’il y a lieu, de l’art. 463 du Code pénal. Dans tous les cas, les tribunaux pourront prononcer la confiscation des substances saisies en contravention ».

Seules les fumeries sont visées par la loi, un couple fumant en commun à son domicile ne relèvera pas de ce cas de figure. Voir la jurisprudence établie par le procureur de la République du tribunal de Toulon.

En 1916, en pleine guerre, les Gueules Cassées du « Chemins des Dames » et de Verdun, étaient soignées à la morphine et à l’opium, alors prescrits médicalement pour soigner la douleur. Ces thérapeutes occasionnent des « épidémies » de toxicomanie chez les soldats démobilisés. Des rumeurs circulent aussi dans les tranchées, que les Allemands utilisaient des opiacés pour aller au combat.  

Épisode 2, l’entre deux

Une petite anecdote sur les fumeries clandestines dans les environs de Toulon, les noms et lieux sont volontairement masqués.

« François Madec  (« F.M. ») était un breton engagé dans la Marine Nationale . Il est connu car il a ses initiales sur les timbres de la Franchise Militaire.

Il avait été récemment affecté, après son brevet de manœuvrier, sur un « Aviso Colonial » basé à Toulon.

Un vendredi soir, après le « dégagé », il est entrainé  par son camarade toulonnais (B.M.) dans une maison du quartier du Mourillon dénommée  le « Paradis » par les initiés.

 

« F.M. » n’a pas tout de suite compris de quel paradis il s’agissait, mais pour y arriver, il fallait prendre des chemins détournés en passant par des ruelles étroites. Très compliqué d’aller au « Paradis «  si on n’a pas les clés.  Heureusement « B.M. » était natif de Toulon.

Arrivé devant une grande porte, il fallait cogner d’une certaine façon, sorte de code morse: trois coups puis un coup et deux autres coups.

Une petite trappe s’entrouvrit et une voix rauque demanda : « c’est qui ? »

« B.M. » répondit : « Lucifer ».

Un peu bizarre comme mot de passe, pensa « F.M. » surtout pour accéder  au « paradis ». 

La porte s’ouvrit  en grinçant et un petit personnage très lait,  barbu, les cheveux en bataille,  les yeux rougis  s’effaça pour laisser passer les deux amis.« FM », un peu surpris pensa en lui même: « On dirait Asmodée, le Baphomet ».

A l’intérieur d’une grande pièce envahie de fumée aux odeurs bizarres, Il se trouve en présence de toute une bande d’individus avachis sur des « poufs » à même le sol , les yeux dans le vague, les pupilles dilatées.

Un barbu galonné, chemisette ouverte sur un torse velu, le salua et voyant son uniforme de la marine lui demanda de chanter la fameuse chanson à la mode « Opium ».

« F.M. » qui connaissait bien cet air ramené de Saigon par les marins et entonnée dans les soirées arrosées, ne s’est pas fait pas prier et il se mit à chanter : «  Dans le port de Saigon, il y avait une ombre chinoise »…

Les paroles montèrent crescendo dans la pièce envahie par la fumée : « Opium poison de rêve, fumée qui monte au ciel, c’est toi qui nous élève au paradis artificiel »… 

Il fit « un tabac » pour sa prestation et tout de suite on lui tendit une pipe pour fumer.

« F.M. » se  sentit pousser des ailes et monta au ciel en même temps que la fumée.

François Madec, grâce à son talent de chanteur fut tout de suite adopté par les habitués du « Paradis « .

Il y retourna souvent malgré la migraine du lendemain des soirées enfumées au paradis enchanteur.

« F.M. » avait maintenant compris que ce « Paradis »  n’avait rien de terrestre mais qu’il était bien artificiel comme dans la chanson et  qu’il était tenu par le diable en personne ».

En plus des livres consacrées aux fumeries d’opium écrit par les auteurs célèbres comme Loti ou Farrère pour ne citer qu’eux, , il y eu également quelques films, séries ou reportages  réalisés sur le sujet.

Il n’y a pas que la France qui fut touchée par cette pratique, l’Amérique elle aussi est emportée par la fumée qui monte au ciel …et au cerveau aussi…

Sergio Leone a décrit dans son film « Once Upon America ». ( Il Était Une Fois En Amérique) Le film se déroule en 1933 de l’autre côté de l’Atlantique.De nos jours, quelques artistes en « herbe » ainsi que  des  « bobos » en guise de nouvelles sensations, comme celles recherchées par les « flower children » (enfants fleurs)  des années 1965 à 1975,  s’adonnent encore à la pratique du « Chandoo » et de la « Touffiane ».

En 1971, le chanteur Maxime le Forestier a séjourné dans la communauté  hippie « Hunga Dunga » de la maison bleue. Il évoque cette maison dans la très belle chanson: « San-Francisco ».

l’opium a inspiré certains au point d’en mentionner  le nom sur toutes sortes d’articles, dont Yves Saint- Laurent pour ses parfums qui obtiennent un succès mondial.

Même le savon de Marseille s’y est mis avec la mention : »100% végétal » aux herbes de Provence sans doute…

A partir de 1916, exit les « fumeries » officielles, mais c’est comme pour les élèves avec les cigarettes au collège,  elles continuaient de fumer… en cachette.

Il fallait donc trouver des substitutions aux « fumeries » pour occuper les marins souvent esseulés ou la plus part du temps célibataires quand ils allaient à terre.

Toulon, grand port militaire et ville de garnison, devait offrir aux militaires, quelques lieux de distractions et la ville n’échappa pas à la prostitution notamment dans le quartier de « la Visitation » du nom de la rue éponyme que s’y trouve.

Ce quartier était situé entre la rue des Remparts au nord et la rue de Cordouan au Sud

le Boulevard Lafayette à l’Ouest et la rue St Bernard à l’Est.

Au milieu se trouvait la place du « Pavé d’Amour », la bien nommée.

Les « maisons closes » avaient toutes sortes d’appellations tel que, « maisons de passe », « maisons de joie »  ou « du plaisir », « boxons », « claques » ou encore « bordiaux » ou « bordels ».

C’est le roi Louis IX qui prescrivit aux « filles des bordiaux » de n’exercer qu’en certaines rues désignées, dans des maisons dont les volets devaient rester fermés, d’où l’expression de « maison close ». La nuit venue  les maisons closes avaient l’obligation de se signaler par une lanterne rouge.

Bordel, vient de borda, qui est une cabane de planche au bord de l’eau. Rien à voir avec le premier bateau de l’École Navale le « Borda ».

Le mot viendrait du Moyen Âge, lorsque Saint Louis confinait les « femmes de petite vertu » (les bordelières) dans des maisons appelées « bordiaux ».

Plus tard, les bordelières des « bordiaux » furent appelées par les marins : » filles de joie », « belles de nuit », « tapageuses », « oiseaux de nuit » ou plus communément  des « poufs ». Le mot vient de l’argot allemand « puff » de même signification.

Lorsque des filles étaient arrêtées, les chroniqueurs de l’époque  s’en donnaient à cœur joie pour raconter l’histoire: « L’une des filles demeurait au quartier de Bon-Rencontre, à un endroit dénommé « les Colombes ». Elle aimait trop le pigeon et cela ne lui a pas porté bonheur ! »

Les établissements qui accueillaient les militaires avaient pour noms. « Le Flamboyant », « la Maison Blanche », « le Panier Fleuri », « le Pavé d’Amour » etc…

Les maisons de tolérance, qui devaient dater du début du siècle, n’avaient pas été fermées en 1947, comme toutes les autres en France. Une exception avait été consentie à Toulon, en tant que ville de garnison.

La dernière maison de tolérance de Toulon fut la « Maison Blanche » de la rue des remparts qui dut fermer vers les années 1950. Son « Président » de propriétaire dut déménager vers d’autres horizons, sans aucun doute dans le quartier de la basse  ville à deux pas du port et de la porte principale de l’arsenal de Toulon qui deviendra quelque temps plus tard réputé pour ses nuits agitées .

L’Enseigne de Vaisseau Bargone a écrit, après « Fumée d’Opium », un nouveau roman sur la période post « fumeries ».

Frédéric-Charles-Pierre-Edouard Bargone dit « Claude Barrère » est né le 27 avril 1876 à Lyon, il est décédé à Paris en 1957.

Officier de marine il est admis à l’École Navale en 1894.

En 1903, Enseigne de vaisseau, il est affecté sur l’aviso le vautour sous les ordres de Pierre Loti.

Versé à l’artillerie pendant la première guerre mondiale, il est nommé lieutenant de vaisseau quand la paix est signée en 1918.

En 1919,  il démissionne pour se consacrer à sa seconde passion l’écriture des romans qui sont le plus souvent inspirés par son passé militaire.

Avant la guerre, il a publié plusieurs romans dont « Fumée d’opium », « L’Homme qui assassina », « La Bataille », « Les Petites Alliées ».

Claude Farrère a été un témoin privilégié de la vie quotidienne des coloniaux, des marins et des officiers embarqués sur les navires de la Marine Nationale à Toulon. Il décrit les sorties en ville et les soirées dans les « maisons de tolérance » ou la fumée n’était pas toujours en provenance d’une cheminée.

Un film a été réalisé en 1936 à partir du roman de Claude Farrere.

En 1924, à Bayonne il a donné une conférence sur Pierre Loti qui était décédé l’année précédente.

Voici un court extrait : « C’est en 1903 que j’ai connu Loti. Il avait donc 53 ans… Et c’est à Stamboul que je l’ai connu. S’il est au monde un lieu qui fut pour Loti synonyme de sincérité, c’est Stamboul. A moi. Loti, sûrement, n’a jamais menti.

Il commandait le « Vautour », un tout petit croiseur. Et j’étais « Officier de Quart » à bord du « Vautour ». C’est dire que nous dînions tête à tête, lui et moi, quelque deux ou trois fois par semaine. Dîners tout simples, où, la tasse de café bue, on fumait, en bavardant, deux cigarettes ; jamais trois !… Et puis je retournais au quart ; et lui retournait â son piano : car il jouait du César Frank, interminablement, durant toutes ses heures de loisir… Nos chambres n’étaient séparées que par une cloison bien mince ; ni lui ni moi, la nuit, ne pouvions tousser sans que l’autre n’en fût réveillé ».

Après la loi Marthe Richard en 1946, à fin de la 2ème guerre mondiale, le quartier de « La Visitation », connu pour ses maisons est réhabilité.

Marthe Richer-Betenfeld  dite Marthe Richard née le 15 avril 1889 à Blâmont et décédée  le 9 février 1982 à Paris était une ancienne prostituée.

Fausse espionne, affabulatrice, elle fut élue conseillère dans le 4ème arrondissement de Paris sur la liste de la Résistance Unifiée.  Le 13 décembre 1945 elle déposa devant le conseil municipal un projet pour la fermeture des « maisons closes ». Sa proposition fut votée et le Préfet  décida de fermer les  » maisons closes » de la Seine. 

Marthe Richard, bien que vivant avec un proxénète, (un comble) commença une campagne de presse pour le vote d’une loi.

Votée le 13 avril 1946, le fichier national de la prostitution fut détruit. Plus de 1400 établissements furent fermés.

Beaucoup de tenanciers de maisons closes dont celui de la « maison blanche » se reconvertirent en propriétaires d’hôtels de passe.

La prostitution est alors une activité libre, par contre, l’organisation , l’exploitation , le proxénétisme et ses manifestations visibles sont interdites.

Ceci valut à Marthe Richard le pseudonyme humoristique de « Veuve qui Clôt », en référence au champagne bien sur …

Épisode 3, après la seconde

Après les épisodes « pavot » et « pavés » , ce nouvel épisode de l’après de la seconde guerre mondiale et nous plonge dans  périodes troubles des guerres d’Indochine et d’Algérie.

Dans l’épisode précédent, la loi dite de Marthe Richard avait soufflé sur les lanternes rouges des « maisons closes » et  permis la clôture des  « maisons de tolérance ».

Dans le quartier de « la Visitation » , si les visites avaient cessées,  les anciens tenanciers se sont vite reconvertis en patrons de bars et  en proxénètes.

Le commerce s’est rapproché des clients, c’est à dire du port et de son arsenal. Toute la basse- ville de Toulon, de la rue Pierre Semard au Nord jusqu’à la porte de l’arsenal et la place Gambetta au Sud , la rue Anatole France à l’Ouest et la rue d’Alger à l’Est était  touchée.

Le quartier est appelé  « quartier réservé », on se demande à qui, aux proxénètes ou aux clients, ou les deux.  qui

Après quelques règlements de compte le quartier prendra le nom de « Petit Chicago » en référence à la ville de l’État du Michigan aux États-Unis ou les gangsters comme Al Capone défouraillaient à tous les coins de rues.

 Le « Petit Chicago » de la rade de Toulon

L’après seconde guerre mondiale verra la reconstruction du port de Toulon, mais aussi l’avènement des « parrains » et des proxénètes dans les bars de la basse ville. Ce quartier du port, à la sortie principale de l’arsenal militaire, ou les règlements de compte entre « caïds du « milieu » (Corses, lyonnais puis magrébins) étaient monnaie courante, fut rebaptisé le « Petit Chicago » en référence à la ville américaine.

Ce nom évoque la mafia de cette ville des États Unis, dans l’Illinois, du temps de la prohibition, de l’Outfit et des gangsters comme Al Capone ou Frank  Mitti.

Les responsables militaires traitèrent avec le « Milieu » pour qu’il leur fournisse des prostituées. L’« Association des maîtres et maîtresses d’hôtels meublés de France et des colonies », régie par la loi du 1er juillet 1901, sise au 73, rue de Nazareth à Paris, joua un rôle presque officiel de coordination. En fait, c’était les proxénètes qui dirigeaient.

Cela continuait comme par le passé, sauf que les « hôtesses » ou les prostituées ne pouvaient plus bronzer au soleil, sur le trottoir de la rue des Remparts, mais devaient rester dans les bars aux lumières tamisées et aux vitrines opaques pour éviter les regards inquisiteurs.

Les bordels furent interdits par la loi Marthe Richard en  1946, cependant en 1947, le Ministère des Armées autorisa le maintien des Bordels Militaires Contrôlés (B.M.C.).

Les bordels militaires contrôlés allaient se multiplier durant l’entre-deux-guerres dans les villes ayant une garnison ou un régiment. Lors des guerres coloniales, l’organisation et la fréquentation des B.M.C. était de notoriété publique et encouragée par l’armée, notamment en Indochine, en Tunisie et en Algérie  ou ils seront appelés les « boîtes à bonbons ».

Épisode 4, « le Patron de B.M.C. »

Il y quelque temps de cela, un camarade, officier marinier à la retraite, m’a raconté une histoire peu banale, mais authentique qui lui était arrivé durant sa carrière dans la Marine Nationale.

Pour des raisons de confidentialité je l’appellerai  « François Madec », bien connu par les fameuses  initiales « F.M. » des timbres « Franchise Militaire » de l’Armée.

Pour en revenir à notre affaire, François Madec, qui était à l’époque Maître de spécialité « Transmission Écoute Radar » (T.E.R.), s’assura que nous étions seuls dans le bureau et il commença à me raconter son histoire.

Je l’écoutais avec curiosité et attention.

« Durant la guerre d’Algérie, j’étais affecté en tant que Maître au Service T.E.R. de Mers El Kebir ».

Pour plus de compréhension et pour les non-initiés, un « Maître » dans la marine est communément appelé par ses subordonnés : « Patron ».

« Peu de temps après mon arrivée, je suis convoqué chez mon supérieur qui m’annonce que le Commandant de l’Unité  veut me voir pour une fonction de la plus haute importance ».

« Je suis intrigué par cette nouvelle affectation, car je n’ai rien demandé et je viens tout juste d’être affecté en Algérie ».

« Le Commandant me dit : « Maître, vous avez été sélectionné pour vos aptitudes pour un poste de la plus haute importance au niveau stratégique, qui conditionne le moral des troupes durant ce conflit. Je compte sur vous pour que tout se passe au mieux dans de nouvelles fonctions au « Centre Militaire Spécial » que vous dirigerez».

« Le travail est quelque peu différent de celui d’un Maître au Service TER, mais vous serez amené aussi à bien réceptionner et contrôler tout  le personnel de votre « Centre Militaire Spécial ». Ce ne sera pas une tâche facile, je ne vous le cache pas, mais j’ai confiance en vous. Les ondes, qu’elles soient grandes ou petites n’ont plus de secret pour vous. Dans la tâche que je vous confie il vous faudra gérer un nouveau type d’ondes que je qualifierai  « d’ondines ». Il vous faudra bien contrôler les fréquences de répétition, les longueurs d’ondes, la propreté  et tous les  autres paramètres inhérents au bon fonctionnement de votre « Bureau Militaire Contrôlé ». Cela me semble être dans vos cordes ».

« Je commence à me demander dans quel guêpier je vais  me trouver, car le commandant semble tourner autour du pot sans dire exactement quelle sera cette affectation ».

« J’ai beau me creuser la cervelle, mais malgré les informations qu’il a bien voulu lâcher, je ne trouve pas… ». « Un « Bureau Militaire Contrôlé », un « Centre Militaire Spécial », c’est pas très clair?

« J’élabore quelques supputations. Peut-être une prison pour les militaires récalcitrants, mais cela ne m’enchante guerre. Ou peut-être s’agit-il d’un travail d’espionnage et d’écoute car il m’a parlé d’ondes spéciales, des « ondines », et de fréquences de répétition. Je ne me sens pas très rassuré, j’ai les mains moites et  la sueur coule sur son visage. Je me passe la main sur le front ».

« Le Commandant me voyant mal à l’aise ose enfin éclaircir ma lanterne ».

« Madec vous serez dès la semaine prochaine,  le Responsable d’un B.M.C. ».

« J’ose lui demander : « Commandant c’est quoi un B.M.C. ? ».

« Un B.M.C. est un « établissement de plaisir », une « boite à bonbons » pour les soldats.

« En fait, c’est ni plus ni moins qu’un Bordel Militaire Contrôlé par l’armée, et ce sera  vous le contrôleur. Rassurez-vous, tout ce qu’il y a de plus légal ».

« Je n’en reviens pas, « Patron de Bordel »,  pourquoi ça tombe sur moi » ? Commandant ».

« Je le salue et je quitte le bureau on ne peut plus perplexe, dépité, abasourdit,  comme sur un nuage ».

« Patron de bordel…patron de bordel… Je n’y crois toujours pas…».

« Qu’est que j’ai fait au Bon Dieu pour mériter ça ? ».

« Qu’est-ce que je vais dire aux copains concernant cette affectation, ils vont se foutre de moi » ?

« La semaine suivante j’arrive avec armes et bagages dans ma nouvelle affectation, une maison en plein centre-ville. Il y a une grande cour entourée d’un grand mur avec deux légionnaires qui contrôlent l’entrée ».

« Au moins je ne serais pas seul. Je crois qu’ils me seront bien utiles ces deux gaillards bien charpentés au faciès patibulaire. Ils ont du faire la dernière guerre, et l’Indochine, ça s’est sûr ».

« Les légionnaires se mettent au garde à vous et me saluent. Je réponds à leur salut  et je m’adresse à eux: «  Bonjour messieurs, je me présente, François Madec je suis le nouveau Maitre du Centre Spécial, je n’ose pas prononcer encore le nom exact de B.M.C. ».

« Les légionnaires toujours au garde à vous « aboient » quelques mots que je ne comprends pas tout de suite : «  Auf Ihren Befehl Chef ! ».

« Je suppose qu’ils sont de souche allemande ou alsacienne mais qu’ils ont bien compris que j’étais leur nouveau chef, c’est déjà ça ».

« Je sais déjà que cela ne va pas être simple de me faire comprendre par ces deux adjoints ». Je  leur demande toutefois,  quels sont vos noms » ?

« Ils répondent en cœur : « Caporal Frisch !,  A vos ordres Chef !!!, Caporal Trisch !,  A vos ordres Chef !!! »

« J’ordonne : « Bien !, Repos !  »

« J’aperçois dans la cour, quelques filles qui déambulent désœuvrées qui me dévisagent mais elles ne m’adressent  pas la parole ». Cela me fait penser à un caravansérail »sans les dromadaires.

« Je pense qu’Il faudra un certain temps avant que les relations soit plus sereines et détendues dans ce centre tout à fait spécial, c’est bien cas de le dire ».

« Je me dirige vers le bâtiment principal et je rentre dans un  petit bureau au rez de chaussée ou je rencontre son prédécesseur.

Un sergent le l’armée de terre, m’expose méthodiquement les différentes tâches et contraintes du chef du bureau militaire. A la fin de la journée, celui-ci ramasse son sac et me dit avec un sourire en coin : « Bon courage… le B.M.C. est maintenant entre vos mains …Patron !»

« Le soir venu il y a affluence devant la porte et les légionnaires ont du travail pour vérifier les papiers qui autorisent l’entrée ».

« Il y a des militaires, de toutes les armes, qui vont et viennent dans le bureau militaire me montrant le sésame qui les autorise à fréquenter les lieux. De temps en temps je fais intervenir « mes sbires » quand j’entends le début d’une altercation dans une des chambrées à l’étage ».

« Je suis chargé de l’hygiène de mes « pensionnaires » et j’organise régulièrement des visites médicales auprès des médecins de l’hôpital militaire ».

« Les jours se suivent et se ressemblent avec toujours autant d’affluence chez les garçons et de chamailleries entre les filles ».

Je n’en croyais pas mes oreilles en écoutant cette histoire rocambolesque qui me paraissait invraisemblable, comme tirée d’un roman.

Je lui dis qu’il devrait raconter cette histoire durant cette affectation peu banale de la guerre d’Algérie.

Il ne répondit pas. Je pense qu’il ne voulait pas que cela se sache, par pudeur ou par crainte des moqueries de par ses fonctions dans cette « unité spéciale » de l’arrière pour ne pas dire du derrière,  durant la guerre d’Algérie.

Je n’ai pas osé lui demander s’il avait reçu la médaille du combattant d’Algérie.

Par respect pour lui, je tairai son nom, sa véritable spécialité, ainsi que les lieux exacts de cette unité spéciale durant la guerre d’Algérie.

Les B.M.C. ont pratiquement tous disparus à la fin de la guerre d’Algérie. Il en existait encore un en Corse à Calvi au 2 ième Régiment Étranger de Parachutistes  de la Légion Étrangère  jusqu’en 1978. Celui de Kourou en Guyane a fermé ses portes en 1995. Il y a peut-être encore un dernier B.M.C. rescapé à Djibouti quelque part derrière les « Caisses », qui sait ?

Quelques livres sur les B.M.C.

Épisode 5, les années fastes du « petit Chicago »

Après les guerres d’Indochine et d’Algérie, Le « petit Chicago » connu des années prospères avec la prolifération des bars à « hôtesses ». C’était des « hôtesses d’un nouveau genre, qui n’étaient jamais montées dans un avion mais qui connaissaient parfaitement toutes les ficelles pour faire consommer le client ou plutôt le pigeon, pour le faire grimper pas dans un avion mais  dans les cages d’escaliers  vers les chambres appropriées.

Le regroupement de la Marine à Toulon y est pour beaucoup dans cette « pseudo prospérité ».

Le « milieu Corse » ainsi que certains opportunistes de tous poils, venant de l’autre côté de la Méditerranée avaient flairés le filon et surtout trouvé un moyen pour blanchir l’argent de la drogue en investissant dans les bars du « petit Chicago » et en périphérie de Toulon.

Après les guerres d’Indochine et d’Algérie,  l’opium  ne venait plus de ces régions mais de Turquie en passant par le port de Beyrouth au Liban.

La  transformation se faisait dans des laboratoires de l’arrière-pays des Bouches du Rhône et du Var où les « apothicaires  corses » maitrisaient la fabrication.

Les autorités américaines, la CIA et le FBI étaient convaincus que le « milieu corse » était fortement  impliqué dans ce trafic. Dans les années 1970, les autorités américaines considéraient le milieu corse comme plus dangereux que la mafia sicilienne (Cosa Nostra). Ceci venait du fait que le FBI et la CIA avaient des informations sur les familles mafieuses dans tous leurs états, mais n’avait aucune information sur les familles corses.

Aux États-Unis, la mafia italo-américaine était divisée en 24 familles. Durant les années 1970, les autorités américaines dénombraient 15 familles mafieuses corses. La « mafia corse » est régie par le code d’honneur et  la loi du silence.

La « French Connection » fut démantelée à  la fin des années 1970. Mais « Causa Nostra » pris la relève dans le trafic de drogue entre l’Europe et  l’Amérique.

 « Marco de Chicago »

La fin des conflits en Indochine et au Maghreb avec la perte de bases importantes, comme Bizerte en Tunisie et Mers-el-Khébir en Algérie, le gros des forces navales était rapatrié à Toulon et formait ce que l’on appelait la « flotte du Levant ».

 La flotte du « Ponant » basée à Brest constituait que « l’Escadre légère ».

A partir de 1965, entra en vigueur une nouvelle articulation des forces qui modifia la hiérarchie entre les deux façades maritimes, en créant une « Escadre de la Méditerranée » opérant à partir de Toulon et une « Escadre de l’Atlantique » basée à Brest.

Les Escorteurs d’Escadre et les Escorteurs rapides constituaient le gros de l’escadre de Méditerranée. Il y avait parmi eux l’escorteur d’escadre « La Bourdonnais » avec un équipage de 350 hommes.

En 1973, embarqué sur le la Bourdonnais, après mon cours de brevet supérieur SENIT, j’avais dans mon équipe un second maître détecteur plein d’avenir dans la Marine Nationale qui à force de fréquenter les bars avait fini par s’amouracher d’une des hôtesses du « petit Chicago ». Ce fut le début de sa perte.

Marc B. était un « gars » du nord, qui s’était engagé très jeune, sans doute alléché par les affiches de promotion de l’époque qui encourageait les collégiens, lycéens et étudiants à s’engager dans  la « Royale ».

Engagez-vous  dans la Marine vous verrez du pays.

Il était devenu au fil du temps son « chevalier servant » puis son protecteur et enfin son compagnon. Il passait ses soirées dans les bars, en particulier celui de la  « Mascotte », à trinquer avec les marins de sa connaissance et surveiller que les clients se tiennent correctement avec les « hôtesses ».

Il arrivait quand même à se lever chaque matin les yeux bridés derrière ses lunettes aux verres teintés pour se présenter à bord à l’appel de 08h00 sur la plage arrière et participer à la cérémonie des couleurs. Il disparaissait aussitôt après l’appel pour se planquer tel un lapin dans son terrier pour terminer sa nuit.

On le voyait réapparaitre, vers l’heure du midi au bar ou « grand seigneur » il offrait l’apéritif à bon nombre de ses camarades. Sa note de « bibine » à la fin de chaque mois était faramineuse. Après le déjeuner, il disparaissait de nouveau pour faire une sieste pour être de nouveau apte à attaquer une nouvelle soirée sous les néons des bars de « Chicago ».

 « Marco » l’ex de la reine de Chicago

Extrait d’un reportage de Leila Minano de « Youpress » du 25 aout 2014.

« Avec ses tatouages sur les bras, ses lunettes aux verres jaunes et sa chaine en or autour du cou, Marco, l’ex-mari de la dame, semble tout droit sorti d’un remake du Parain. A presque 70 ans, il se rappelle son premier amour comme si c’était hier. « Je l’ai rencontré quand j’avais 19 ans, commence-t-il. J’étais marin et elle avait le double de mon âge, elle travaillait depuis déjà 20 ans. Elle était belle et puis, elle avait un caractère de feu, elle ne se laissait pas faire Baya !». Marco est probablement l’un de ses rares confident : « Baya B. est née à Alger en 1923. A 19 ans en 1942 elle avait débarqué à Paris car elle devait épouser un ouvrier de chez Renault, mais il ne s’est jamais présenté au rendez-vous, alors elle a commencé ‘le métier’. C’est en suivant un homme qu’elle est arrivée à Toulon au début des années 50 ».

A cette époque, Marco, blessé grièvement en mer, renonce à sa carrière dans la Marine, entre deux petits boulots à Chicago, il assiste Miquette dans sa tâche.

« Elle avait un appartement à l’étage, elle faisait monter un par un les clients. Il y avait la queue devant chez elle. Moi j’attendais, assis en bas, le flingue dans le journal, car les marins pouvaient être violents. Surtout quand ils n’y arrivaient pas parce qu’ils étaient trop saoul, ils n’hésitaient pas à cogner la fille ».

Et « Marco » de nous raconter la dure vie des filles de Toulon. Miquette n’est pas à l’abri, « un jour il y a un type qui a voulu la maquer, on est tous descendus…» Difficile de savoir ce qu’il est advenu de cet homme, mais Baya est restée « indépendante ».

Je ne  suis pas certain que le « Marco » cité dans reportage est bien l’ancien second-maitre détecteur « Marco »  de l’escorteur d’escadre le la Bourdonnais.

Il y a toutefois de nombreux indices qui me le font penser, à commencer par son âge, ses tatouages sur les bras, ses lunettes aux verres teintés de jaunes et sa grosse chaîne en or au cou.

De plus il raconte avoir renoncé à la marine après une grave blessure à la mer.

Ce n’est pas tout à fait exact, le second maître « Marco » ne s’est pas présenté un jour d’appareillage du La Bourdonnais. Le bord fut averti plus tard, qu’il avait présenté un certificat médical prétextant une blessure…

Cette blessure ne fut pas occasionnée à bord, mais quelque part à terre.

On n’a jamais su ce qui s’était passé, mais on supposait une rixe qui avait mal tournée.

Toujours est-il qu’il fut renvoyé dans ses foyers et on n’entendit plus parler de lui.   

Épisode 6, Le « petit Chicago » de nos jours

Fini les bars à hôtesses de « Chicago »,  dans le quartier de la  basse ville, de la rue d’Alger à la rue Chevalier Paul en passant par la rue des Savonnières,  il n’y a plus l’ombre d’un » tripot », tous  fermés et bouclés.

Les façades ont été ravalées,

Plus de pavés, mais des rues goudronnées,

Le quartier est  nettoyé, aseptisé, 

Mais les trafics  ne sont pour autant pas terminés,

Dans les banlieues de la ville ils se sont déplacés,

Et dans les villes limitrophes, ils se sont installés.